Décryptage | Investissements climat des collectivités : une trajectoire inquiétante selon I4CE

 

En 2021, l’Institut de l’Économie pour le Climat (I4CE) publiait une donnée importante et structurante : pour que les collectivités territoriales contribuent pleinement à la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), il faudrait augmenter leurs investissements annuels de 11 milliards d’euros. Aujourd’hui, les collectivités investissent environ 8 milliards par an dans le climat. Or, pour être aligner sur les objectifs de la SNBC, elles devraient investir au moins 19 milliards par an, soit un quasi-doublement. Cette estimation concerne principalement la décarbonation des mobilités, la rénovation énergétique du parc public, et les infrastructures énergétiques.

Par ailleurs, ce chiffrage est un « plancher » et n’inclut pas l’ensemble des coûts d’adaptation : renforcement des réseaux d’eau, protection contre les inondations, lutte contre les îlots de chaleur, résilience des réseaux, … En intégrant pleinement l’adaptation au changement climatique, le besoin d’investissement est nettement plus élevé.

Plus de trois ans après la publication de cette estimation, I4CE dresse un constat mitigé : d’une part, les collectivités investissent davantage, mais pas suffisamment, et d’autre part, depuis 2023, la dynamique semble marquer le pas alors même que l’effort d’équipement atteint des niveaux records.

Une progression réelle depuis 2017… mais insuffisante pour la transition

Depuis 2017, les collectivités territoriales et leurs groupements ont indéniablement renforcé leurs investissements climat. I4CE estime qu’entre 2017 et 2023, ces dépenses ont augmenté de 42 % en valeur, passant d’environ 4,8 milliards à près de 8 milliards d’euros par an.

Cette montée en puissance a été particulièrement visible dans deux domaines :

Toutefois, si l’on corrige de l’inflation, la progression réelle tombe à +18 % et illustre que si les collectivités ont investi davantage, une partie importante de l’effort est liée à la hausse des prix, et non à une réelle augmentation du volume de travaux.

L’AFL développe ses propres modèles de mesure du risque climatique

Un indice de vulnérabilité physique apprécie l’exposition d’un territoire à des aléas naturels (inondations, submersions marines, recul du trait de côte, feux de forêt, retrait gonflement des argiles, …)

Un indice de vulnérabilité au risque de transition mesure la capacité d’une collectivité à faire face - sur la base de sa situation financière récente - au besoin d’investissement annuel supplémentaire nécessaire à l’atteinte des objectifs de la SNBC selon les estimations d’I4CE.

Investissements des collectivités locales pour la décarbonation des bâtiments, des transports et de l’énergie, par secteur. ©I4CE

Un ralentissement préoccupant 

La note publiée par I4CE en novembre 2025 montre ainsi une rupture. Après plusieurs années de hausse régulière, les investissements climat enregistrent un net ralentissement : +5 % en valeur en 2023, mais seulement +2 % en volume. Cela se traduit par une stagnation de la rénovation énergétique, une baisse de près de 10 % des infrastructures cyclables, et une légère progression des transports collectifs, mais insuffisante pour compenser le reste.

Les premiers signaux pour 2024 sont encore plus préoccupants

Bien que l’investissement total des collectivités (tous secteurs confondus) ait continué de croître de 7 % en 2023–2024, l’investissement climat n’a pas suivi la même trajectoire : il stagne voire recule. On observe ainsi un découplage entre la dynamique d’investissement locale et la transition écologique. Les collectivités investissent, mais pas forcément dans des projets alignés avec les objectifs climat.

De multiples freins et contraintes expliquent cette situation :

  • Inflation, hausse des taux et des coûts de l’énergie, pression sur l’épargne brute
  • Baisse du Fonds vert et manque de visibilité sur les subventions, générant de l’incertitude
  • Manque de ressources humaines et d’ingénierie, notamment dans les petites collectivités
  • Fragmentation des investissements due à une articulation insuffisante des documents de planification locaux (PCAET, SRADDET, PPI, …)

Pour I4CE, plusieurs leviers peuvent et doivent être mobilisés simultanément pour enclencher un véritable saut qualitatif et quantitatif :

  • Intégrer le climat dans les budgets locaux via notamment la généralisation des budgets verts
  • Programmer l’effort sur plusieurs années, avec des plans pluriannuels cohérents avec la SNBC
  • Diversifier les sources de financement (SEM, régies locales, cofinancements, fiscalité dédiée).
  • Stabiliser les dispositifs nationaux de soutien pour donner de la visibilité.
  • Renforcer les capacités d’ingénierie locale, notamment via l’accompagnement technique (Cerema, ANCT, agences locales).