La Conférence financière des territoires : un changement de méthode mais des solutions identiques ?

Après une contribution significative imposée aux collectivités locales dans la loi de finances pour 2025 (réduction des dotations, perte de dynamique de la fraction de TVA, mécanisme “Dilico”), le gouvernement a lancé dès le printemps les travaux préparatoires du budget 2026.

C’est dans ce contexte qu’a été organisée, le 6 mai 2025, la première Conférence financière des territoires, présidée par le Premier ministre et rassemblant quatre ministres – Éric Lombard (Économie), François Rebsamen (Aménagement du territoire), Catherine Vautrin (Travail et Solidarités) et Amélie de Montchalin (Comptes publics) – aux côtés des principales associations d’élus locaux.

Plan de retour à l’équilibre des finances publiques

L’objectif du Gouvernement : établir un « plan de retour à l’équilibre des finances publiques » fondé sur un effort de consolidation budgétaire de 100 à 110 Mds€ d’ici à 2029 (hors effort supplémentaire dans le domaine de la défense) afin d’enclencher un désendettement à cet horizon.
Cela implique concrètement une baisse de la dépense publique de 6% en 5 ans et nécessite la mobilisation de l’ensemble des sphères publiques (Etat, Sécurité Sociale et Collectivités locales) pour réduire le déficit public.
Le Gouvernement demande que l’effort de redressement des comptes publics soit partagé par tous les niveaux de la puissance publique, y compris les collectivités territoriales. Sans y être opposés, les élus locaux redoutent que cette logique ne conduise à une baisse disproportionnée de leurs ressources financières et à une forme de recentralisation budgétaire.

Face à l’ambition de l’Etat de trouver les moyens de résoudre une équation budgétaire particulièrement complexe, les collectivités ont de leur côté porté des revendications souvent anciennes. Dès la 1ère conférence le 6 mai, les associations d’élus ont ainsi insisté sur la nécessité :

  • d’adopter un moratoire sur les charges nouvelles (revalorisation du point d’indice des fonctionnaires, transition écologique, normes sociales ou environnementales, etc.), souvent non financées, et génératrices de dépenses nouvelles en section de fonctionnement ;
  • d’assurer une plus grande visibilité budgétaire via une loi de programmation pluriannuelle des finances locales ;
  • d’augmenter les enveloppes budgétaires pour faire face notamment aux besoins liés à la transition écologique ;
  • d’engager une simplification administrative notamment des appels à projet et des aides.

Enfin, la situation budgétaire particulièrement dégradée des départements a été retenue afin de trouver des solutions au fort effet de ciseau qu’ils subissent depuis 2022 – forte contraction des recettes de DMTO et explosion des dépenses sociales – et ce alors même qu’à l’exception du relèvement du taux plafond des DMTO, l’État n’a pas proposé de mesures structurelles pour pallier ce déséquilibre.

Aussi, les groupes de travail constitués – dont les premières réunions se sont tenues les 26 et 27 mai – ont pu traiter de :

  • la prévisibilité pluriannuelle des recettes des collectivités, notamment d’investissement ;
  • les modalités des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales ; incluant les normes, les mécanismes de solidarité et d’assurance
  • la gestion des effectifs et de la masse salariale des collectivités ;
  • la situation financière dégradée des départements.

Ces groupes de travail ont permis au gouvernement d’avancer quelques pistes et en particulier de défendre les axes suivants :

Réduire les charges de personnel, une vieille revendication du gouvernement

A la faveur de la pyramide des âges, le gouvernement promeut le non-remplacement des agents territoriaux partant à la retraite. Selon les associations d’élus, les économies à en attendre seraient néanmoins limitées du fait de dispositifs sur lesquels les collectivités n’ont pas la maitrise (CNRACL, point d’indice, GVT…).

Contraindre les recettes, le spectre de "l'année blanche"

Parmi les pistes évoquées par le gouvernement figure l’instauration d’une « année blanche » budgétaire en 2026, c’est-à-dire un gel en valeur des dotations de l’État aux collectivités locales. L’idée sous-jacente – défendue de longue date notamment par le ministère de l’économie et des finances – est que le meilleur moyen de contraindre la dépense publique locale est de réduire les recettes, en particulier de fonctionnement. Cette piste risque au contraire de creuser un peu plus le besoin de financement des collectivités puisque de moindres recettes de fonctionnement signifie généralement une contraction de la capacité d’épargne et donc de l’autofinancement et, par conséquent, un recours accru à l’endettement…

L’auto-assurance, un dispositif promu par la Cour des comptes que le gouvernement souhaite approfondir

A l’instar de ce qui existe déjà pour les départements, il s’agirait de mettre en réserve “une partie de la dynamique de la fiscalité locale” lors de périodes où la conjoncture est favorable, afin d’amortir le choc financier d’une crise. Constituant une remise en cause des dispsoitifs de péréquation existants et compte-tenu des délais impartis, les associations d’élus s’y sont unanimement opposées.

En conclusion :

Si parmi les associations d’élus, d’aucuns saluent un changement de méthode et une meilleure écoute, il ne s’agit toujours pas pour autant d’une « co-construction » budgétaire. En effet, une telle méthode exigerait davantage de préparation commune des travaux et des pistes de réflexion à discuter par les groupes de travail ainsi qu’un temps plus long que les 3 mois dévolus à ce processus.

Les groupes de travail se réuniront à nouveau les 18 et 19 juin avant la tenue mi-juillet d’une nouvelle Conférence financière des territoires au cours de laquelle devraient être partagées les principales orientations budgétaires concernant les collectivités retenues par le gouvernement.

💬 Un décryptage de Yann Doyen, Directeur des engagements de l’AFL, la banque des collectivités locales.