L’œil de l’expert  Romain Netter

Romain NETTER

Au sein de l’AFL, vous occupez le poste de Directeur du financement Moyen et Long Terme. En quoi consiste votre métier ? Dans la période actuelle comment est appréciée la signature des collectivités locales françaises ?

Mon métier consiste à emprunter sur les marchés internationaux de l’argent au meilleur taux possible. Pour ce faire, il est important de communiquer, au plus grand nombre d’investisseurs, les très grandes qualités de crédit des actifs que nous représentons : les collectivités locales françaises ! La signature des collectivités est toujours perçue comme un gage de solidité et de bonne gestion financière malgré les effets de bord induits par l’instabilité politique actuelle.

Depuis plusieurs mois, la scène politique française connaît de fortes turbulences. En quoi cette instabilité se répercute-t-elle sur les marchés financiers et, concrètement, sur les conditions d’emprunt des collectivités locales ?

L’instabilité politique, que nous connaissons maintenant depuis la dissolution, entraine une visibilité réduite en termes de projets économiques et financiers, ce qui ne plait pas aux marchés d’une manière générale. Cela se traduit dans l’écartement de notre fameux spread contre l’Allemagne, qui signifie que les investisseurs veulent un rendement plus important pour accepter d’acheter la dette française. Cette pression sur les conditions d’accès à la liquidité pourra à l’avenir modifier le comportement des banques, et donc potentiellement renchérir les conditions d’emprunt des collectivités françaises.

Quelle est votre lecture de l’évolution des marchés à moyen terme ? Peut-on s’attendre à un retour à une forme de stabilité, ou les collectivités doivent-elles désormais composer durablement avec un environnement financier plus incertain ?

Ce n’est pas une question simple car personne n’a une « boule de cristal » bien entendu ! Il se peut qu’une certaine fébrilité persiste jusqu’à l’élection présidentielle de 2027. A partir de ce moment-là, on peut raisonnablement penser qu’une majorité sortira et donnera ainsi plus de visibilité et de transparence aux marchés. Cela pourrait ramener un certain calme sur la dette française et serait d’autant plus vrai si des réformes, qui ont pour objectif de faire diminuer le déficit public, sont mises en place.

Quels sont les impacts de la dégradation de la note de la France pour l’AFL et pour les finances des collectivités locales ? 

L’AFL a une double notation, de la part de Fitch et S&P, qui est plafonnée à celle de l’Etat français. Nous sommes donc, depuis peu, notés simple A. Mais cette décision des agences de notation de dégrader la note souveraine de la France ne reflète aucunement la situation financière de l’AFL, dont le modèle économique reste robuste avec une liquidité élevée et une politique financière prudente. Cela change principalement deux éléments en ce qui concerne l’AFL :

  1. le coût du financement est de facto plus élevé ;
  2. la base d’investisseurs qui achètent nos obligations évolue ; certains fonds ne pouvant accepter des actifs notés simple A ou d’autres encore au contraire spécialisés dans ce type d’actif.

Pour les finances des collectivités locales, c’est évidemment le premier point qui est le plus important : une augmentation du coût de la ressource.

Pensez-vous que le verdissement des finances publiques permet aujourd’hui d’obtenir de meilleures conditions de financement sur les marchés ?

C’est un débat assez passionnel ! Être vertueux crée-t-il de la valeur ? Je le pense. On voit sur les marchés des opérations qui réunissent davantage d’investisseurs lorsque le produit est durable. Ainsi, mécaniquement, plus il y a d’investisseurs impliqués, plus le taux d’emprunt diminue. Notre problème est l’identification des actifs éligibles qui pourraient nous rendre beaucoup plus présent sur le marché de la dette durable. Dans cette optique, l’annexe verte est un support précieux pour une meilleure traçabilité des budgets verts. Cette transparence sera une grande force pour l’AFL dans ses futures opérations de financement durable.