La Cour des comptes a publié ce mois-ci son rapport thématique sur la transition écologique avec comme point de départ le constat d’une situation environnementale dégradée (réchauffement climatique, perte de biodiversité, pollutions, tensions sur l’eau et les ressources naturelles …) entrainant des impacts lourds sur la société : risques sanitaires, pertes économiques liées aux catastrophes naturelles, remise en cause de certains modèles économiques …
Quelques chiffres sur les coûts engendrés par le changement climatique
- Un coût de l’inaction chiffré à 11,4 points de PIB en France à horizon 2050 versus une baisse de 7 points seulement en intégrant le coût des actions d’atténuation du changement climatique. En d’autres termes, investir pour la transition s’avère financièrement bénéfique sur le moyen-long terme.
- 19,6 Mds€ dépensés par l’Etat en 2022-2024 au titre du bouclier tarifaire pour les énergies fossiles versus un montant d’investissement de 20,3 Mds€ entre 2018 et 2023 dans les énergies renouvelables, qui permettent de produire 22 GW d’énergie
- Coût des catastrophes naturelles en hausse aujourd’hui et dans les prochaines années :
- Inondation dans les Hauts-de-France (2023) : 640 M€ de dommages sur les biens assurés uniquement
- Cyclone Chido à Mayotte (2024) : 800 M€ de dommages (à noter que les territoires d’Outre-Mer ont une couverture assurantielle plus faible que ceux de l’Hexagone). Estimation du coût annuel moyen des indemnisations liées aux catastrophes naturelles quasiment multiplié par 2 sur la période 2020-2050 (4,5 Mds€ annuels en moyenne) par rapport à la période 1989-2019 (2,5 Mds€ annuels).
- Coûts économiques des catastrophes naturelles dans le monde estimés à 370 Mds€ en 2024
Les acteurs publics locaux au cœur de la gouvernance de la transition
Le rapport met l’emphase sur l’action locale : en première ligne, les collectivités disposent des compétences pour agir sur l’adaptation au changement climatique (gestion des risques naturels, inondations, chaleur, etc.), la gestion de l’eau et la lutte contre les pollutions, la préservation des sols et de la biodiversité ainsi que l’aménagement du territoire.
Pour améliorer la gouvernance des enjeux climatiques à l’échelle locale, la Cour souligne :
- La nécessité d’une meilleure territorialisation de la planification via les COP régionales, celles-ci étant à ce jour encore incomplètes ;
- L’importance de l’intégration de trajectoires financières dans les documents d’aménagement des territoires (PPI, SRADDET, PCAET, PLU/PLUi).
La Stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique (Spafte) définit les trajectoires financières nationales en matière de transition
La Cour des comptes appelle à ce que cette stratégie soit déclinée au niveau local pour :
– Assurer la cohérence entre objectifs physiques (réduction d’émissions, biodiversité, eau) et trajectoires financières
– Identifier les besoins de financements supplémentaires
– Répartir les efforts entre l’État, les collectivités et les acteurs privés.
Focus sur les enjeux de financement pour les collectivités
Concernant le volet du rapport relatif au financement de la transition, la Cour commence par rappeler que des besoins d’investissements publics et privés importants sont nécessaires, et parfois mal évalués pour ce qui est des dépenses d’adaptation.
L’estimation globale (public et privé) pour l’atténuation est toutefois plus robuste et estimée à 110 Mds€ supplémentaires par an d’ici à 2030 par rapport à 2021.
Dans ce cadre, la Cour met en lumière les défis auxquels font face les collectivités :
- Une sous-évaluation des besoins, particulièrement dans l’adaptation au changement climatique, la biodiversité et la gestion de l’eau ;
- Une capacité financière inégale avec de fortes disparités entre grandes métropoles et petites communes notamment ;
- La contrainte budgétaire qui pèse sur le secteur public français de manière générale ;
- Une insuffisance du suivi et de l’évaluation des politiques publiques de transition.
La Cour rappelle l’importance de mobiliser autant que possible les sources de financement diverses des collectivités, à savoir :
- Les outils budgétaires classiques : ressources propres (fiscalité locale, redevances …), transferts et subventions de l’État (dotations spécifiques, appels à projets, fonds dédiés aux enjeux de transition) ou encore un endettement cohérent avec la capacité d’emprunt de la collectivité pour financer les investissements nécessaires
- Les outils réglementaires et fiscaux spécifiques (tarification incitative des déchets, redevances de prélèvement ou d’assainissement, modulation de la fiscalité locale en faveur de pratiques durables).
Pour assurer un meilleur suivi des politiques publiques sur les sujets environnementaux, les budgets verts joueront un rôle majeur, au même titre que les Plans pluriannuels d’investissement (PPI).
La dépense publique comme levier des financements privés
Les collectivités peuvent jouer un rôle d’amorce (subventions, garanties, aides ciblées) pour déclencher des investissements privés sur leurs territoires (les investissements privés des entreprises et ménages représentent à ce jour 80% de l’effort d’investissement dans la transition).
L’Institut pour l’économie du climat (I4CE) a publié en juin 2025 une méthode de « PPI aligné climat » permettant aux collectivités d’aligner ambition climatique et soutenabilité financière. Ces travaux ont fait l’objet d’un décryptage de l’AFL à l’été 2025 : 📌cliquez ici
En bref : des enjeux majeurs pour des collectivités en première ligne face aux défis climatiques
Pour la Cour des comptes, les collectivités peuvent devenir des chefs de file opérationnels et financiers de la transition écologique. Les outils budgétaires et de planification (PPI, fiscalité, dette, subventions, plans d’aménagement, etc.) dont ces dernières disposent doivent s’articuler avec la stratégie nationale et permettre de renforcer le suivi, l’évaluation et la cohérence territoriale en matière de transition.
♻️Cliquez ici pour retrouver le rapport complet “La transition écologique – Cour des Comptes – Septembre 2025”
💬 Un décryptage d’Henri Daudignon Analyste Crédit – Chargé d’études secteur public de l’AFL, la banque des collectivités locales.