En mai 2025, le Shift Project a publié un rapport intermédiaire intitulé « Anticiper les conflits d’usage des ressources au services de la transition sur les territoires » dans le cadre de son programme d’action pour 2027. En proposant une approche territorialisée des ressources, le Shift Project met en exergue les interdépendances entre territoires, les limites physiques qui se posent à eux ainsi que les risques de ressources liés à une évolution des consommations et des besoins.
Des travaux en cours qui seront publiés en 2026
Initiée en 2024, cette démarche souligne la nécessité d’une approche territorialisée des ressources. Un diagnostic de l’impact du changement climatique sur la disponibilité et le partage des ressources sera publié fin 2025.
Sept ressources sont principalement étudiées dans ce rapport : pétrole, gaz, électricité, bois, agricole, sols, eau.
La décarbonation des activités humaines est essentielle pour le Shift Project : d’une part parce que les énergies fossiles contribuent largement au réchauffement climatique, d’autre part parce que leur disponibilité est réduite en Europe et sujette aux tensions géopolitiques internationales. Au-delà d’un impératif écologique, la transition vers une économie zéro carbone est aussi un enjeu de souveraineté nationale et européenne.
Le Shift Project portera dès 2026 des propositions autour de trois axes :
- Anticiper les risques de tension et de conflit d’usage des ressources à 2050 ;
- Analyser des réponses actuelles à ces risques en matière de gestion et de gouvernance ;
- Ecouter et embarquer l’écosystème de l’action territoriale pour faire atterrir ces travaux.
Une approche territorialisée pour mieux comprendre les enjeux
Pour appréhender cette décarbonation, l’équipe Atlas 2050, propose une approche territorialisée qui confronte les enjeux de transitions aux réalités locales.
La répartition inégale des ressources physiques conjuguée à une demande croissante pose des difficultés d’accessibilité. La disponibilité des ressources diffère selon les territoires et détermine « le champ des possibles ». Historiquement, les ressources ont régi les activités locales amenant à une interdépendance entre territoires urbains et ruraux : les villes consomment davantage de ressources qu’elles n’en produisent et les zones rurales produisent (sylviculture, agriculture, production d’ENR) mais dépendent de débouchés (cf carte). Le Shift Project souligne ainsi l’interdépendance entre ressources physiques et activités économiques.
Au-delà de la disponibilité de la ressource physique, les travaux du Shift Project rappellent que les territoires n’ont pas la même capacité à engager une transition. Prenant l’exemple de la mobilité, le report modal d’une voiture thermique vers un mode de transport doux (vélo, transport en commun, marche) est plus aisé en milieu urbain qu’en zone peu dense où les alternatives restent limitées.
Des tensions et des conflits d’usage à anticiper
De nombreuses études témoignent des conséquences des activités humaines sur le climat, caractérisant l’ère de l’Anthropocène déclenchée par la révolution industrielle du XIXème siècle[1]. Le changement climatique accentue les aléas (sécheresses, feux de forêt, inondations), aggravant les contraintes sur les ressources (pertes économiques, restrictions d’usage, régulations…).
Un risque = un aléa x un territoire exposé x sa vulnérabilité en termes de ressources
Le changement climatique va intensifier les pressions locales d’ici 2050, multipliant les risques de conflits d’usage. Le rapport identifie cinq facteurs de risque par ressource regroupés en quatre typologies distinctes :
- Des risques liés aux pressions nouvelles sur les ressources locales du fait de la relocalisation de certaines productions.
- Des risques sur la disponibilité des ressources locales liés aux effets du changement climatique et des activités humaines (pollutions).
- Des risques liés à la difficulté des différents secteurs à réduire leur consommation d’énergies fossiles.
- Des risques liés à l’insuffisance des ressources locales pour atteindre les objectifs de décarbonation et au maintien de dépendances à des ressources importées.
[1] https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique#l%E2%80%99importance-de-l%E2%80%99anthropoc%C3%A8ne
Les acteurs locaux en première ligne
Le Shift Project recommande aux pouvoirs publics, notamment aux collectivités locales, d’intégrer les risques de conflit d’usage des ressources dans leurs projets. Ces enjeux sont à intégrer dans la gouvernance des territoires via : un meilleur suivi, une meilleure prise en compte des contraintes, une évolution des planifications et un meilleur partage de la ressource. De plus, des mesures telles que la sobriété ou la maximisation de l’efficacité des actions constituent des leviers à activer pour favoriser la transition.
Les collectivités locales qui portent de nombreuses politiques publiques doivent mener des transitions sectorielles. Les secteurs des transports, des bâtiments, de l’industrie et l’agriculture sont concernés. Pour répondre aux ambitions de neutralité carbone en 2050, chaque territoire doit mobiliser ses « potentiels de transformation » au regard de ses spécificités, mais aussi anticiper les conséquences induites par la substitution des énergies fossiles par des ressources locales et durables.
La contrainte passe ainsi du global au local, nécessitant, en France comme en Europe, une anticipation concertée des acteurs pour limiter les tensions. Les conflits d’usage sont amenés à se développer sur ces ressources inégalement réparties et dont la disponibilité peut être impactée par l’évolution du climat (exemple : sylviculture). Ainsi, une meilleure cohérence entre les documents de planification stratégique et les régulations nationales et européenne est indispensable.
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L’ambition du Shift Project est d’intégrer les réactions et suggestions des parties prenantes au projet, et de décliner les cartographies de risque par département. Toutes les remarques, critiques et propositions peuvent être transmises à l’adresse : territoires@theshiftproject.org .
Quels leviers d’action pour les collectivités ?
- Intégrer les conflits d’usage dans les diagnostics territoriaux et cartographier le territoire
- Renforcer la sobriété dans les politiques publiques et les injonctions aux acteurs du territoires
- Développer des stratégies de sécurisation des ressources et anticiper les risques climatiques
- Associer les acteurs du territoire notamment via des concertations, un soutien des filières
- Outiller la prise de décision à travers une montée en compétence des élus et services
- Assurer un pilotage transversal des ressources intégrant une meilleure cohérence entre politiques locales, nationales et européennes
💬 Un décryptage de Lou Lamure-Guigard, Responsable des relations partenaires & chargée du développement de l’AFL.